BOUMANKHAR Ilham, Docteur
GABSI Wafa, doctorante à l’université Paris 1
Résumé :
Cet article se concentre sur l’analyse du réseau de l’art contemporain en Tunisie, à travers une double approche à la fois égocentrique (centré sur l’individu) et intermédiaire (interaction entre les individus). A partir d’une série d’entretiens auprès des agents du monde de l’art tunisien (artistes, galeristes et commissaires d’exposition), il s’agit de proposer une démarche compréhensive du processus de structuration du réseau artistique dans son contexte de création, de médiation, de réception et d’échanges transnationaux.
Mots clés: Réseaux sociaux, réseaux égocentriques, chaîne d‘interaction, système de commercialisation, art contemporain tunisien
Abstract:
This article focuses on the network analysis of the contemporary art in Tunisia, through a dual approach that is both egocentric (centered on the individual) and intermediate (interaction between individuals). Starting with a series of interviews with actors who belong to the world of Tunisian art (artists, gallerists and curators), we propose a comprehensive approach to the process of structuring the network of Art, in its context of creation, mediation, reception and transnational exchanges
Keywords: Social networks, egocentric networks, chain of interaction, marketing system, Tunisian contemporary art
Les nouveaux terrains dans lesquels se déploient les expressions artistiques du Maghreb et particulièrement celles de la Tunisie sont, aujourd’hui, identifiés. Par ailleurs, le fonctionnement des instances de légitimation du monde de l’art contemporain, liées aux institutions publiques tunisiennes, à son marché, et plus fondamentalement à la « structure » des réseaux d’art, s’interroge encore sur la validité d’un label que l’on peut définir comme un mouvement artistique excentrique. En effet, le monde de l’art contemporain en Tunisie, dans son processus de création et à travers son « système de commercialisation»11, offre une dimension complexe par rapport à sa définition occidentale. La mise en œuvre d’une dimension collective, socio-coopérative (pilier dans la structure du monde de l’art), fondée sur la construction de réseaux de collaboration, de pratiques et d’approches artistiques professionnelles, est encore précaire et fortement disparate. De plus, les rouages relatifs au
marché de l’art sont encore de faible application, ce qui ne favorise pas, en conséquence, la genèse d’une solide structure d’un réseau social artistique pouvant faire effet de levier.
Pourtant, malgré l’installation d’un système local, dénué, a priori en Tunisie, de règles normatives univoques, les initiatives individuelles demeurent présentes et tendent vers l’objectif de faire exister l’art contemporain tunisien dans une perspective de reconnaissance locale, nationale et internationale. Notre article a pour projet d’explorer la construction des réseaux dans le champ de l’art à travers l’analyse communicationnelle des acteurs qui participent au développement du réseau d’art en Tunisie. Notre projet est la compréhension du dispositif de fonctionnement du réseau en tant que système.
Cette question renvoie à une perspective micro-sociale de l’identification d’un système local qui puise son élan dynamique à partir d’initiatives privées et principalement individuelles. Ce qui a pour effet de faire exister un réseau qui se construit non pas sur une base, stable, fixe, et génératrice de logiques institutionnelles, mais sur une base irrégulière qui n’assure pas de continuité.
Réseaux sociaux et contextes tunisiens
En effet, dans le contexte de l’art contemporain tunisien, le réseau est perçu comme une notion dynamique, en perpétuel mouvement, qui se construit et se reconstruit dès qu’une initiative est prise, et se reconfigure au gré des logiques individuelles. Parce que ces initiatives ne sont pas isolées, et qu’elles finissent par fonctionner dans un assemblage effectif, elles sont génératrices d’un réseau social artistique permettant à celui-ci de véhiculer les connexions utiles à la diffusion des pratiques contemporaines de l’art en Tunisie. L’analyse des réseaux sociaux se focalise ainsi sur « les unités élémentaires »12 qui constituent le réseau, et qui, bien que à première vue soustraites d’une logique globale, ces unités élémentaires s’insèrent dans un réseau de relation par le biais des interactions intermédiaires qu’elles suscitent. L’attention est donc portée sur la forme de ces relations et sur la manière dont les acteurs qui sont dans ce réseau, interagissent. La qualité intermédiaire des relations est ce qui situe cette analyse à un niveau méso-sociale, car en se concentrant sur « la forme des interactions »13, elle souligne l’ouverture de ce réseau qui n’est pas définit dès le départ, mais émerge d’une série d’action autonome. Ce sont ainsi « les structures [qui] émergent des interactions »14 dans un rapport de force mis à l’épreuve par « des contraintes formelles »15 et qui deviennent visibles à travers l’analyse des réseaux sociaux. Nous verrons ainsi comment les acteurs du réseau ne sont plus simplement des individus qui composent un réseau, mais qu’en contribuant à l’émergence de ce réseau, ils participent à une dynamique structurelle du réseau, et deviennent des agents. C’est donc à deux niveaux que la notion de réseau intervient dans notre étude : le niveau individuel des acteurs du monde de l’art contemporain, dans leurs pratiques artistiques qui se revendiquent contemporaines, dans leurs participations institutionnelles, dans leurs différents circuits d’échanges ; et le niveau intermédiaire, qui accentue l’analyse sur les initiatives individuelles, l’implication des acteurs dans la scène artistique tunisienne, les formes sociales d’interaction avec d’autres acteurs du monde de l’art et le « capital relationnel »16 entre les acteurs qui composent notre échantillon.
En ce sens, l’analyse que nous proposons est égocentrée car elle se concentre sur un échantillon spécifique d’acteurs du monde de l’art tunisien, qui se connaissent, qui ont occasionnellement collaboré ensemble, mais qui dans leur activité quotidienne ne s’impliquent pas les uns avec les autres. En effet, en se focalisant sur cinq artistes, une galeriste et une commissaire d’exposition17, notre enquête s’attache davantage à étudier la configuration des liens qui sont produits par ces acteurs dans leurs activités quotidiennes et leurs pratiques artistiques ou comment ils mettent en place un système multipolaire de production de l’art contemporain, qu’à délimiter le réseau lui-même. La possibilité de corrélation entre ces acteurs est aussi prise en compte puisque l’analyse des réseaux égocentriques, même si elle ne permet pas de présenter une structure relationnelle globalisante, produit des données qualitatives sur la complexité des liens qui sont en jeux et sur le potentiel relationnel des individus. Le contexte étudié est aussi un élément déterminant dans notre enquête, puisque la révolution tunisienne survenue entre décembre 2010 et janvier 2011, nous a permis d’interroger à nouveau notre échantillon afin d’éclairer les changements qui sont intervenus suite à ces évènements, de comparer la situation avant et après le soulèvement du peuple contre le régime en place, et de déterminer les influences que cela a pu avoir dans le monde de l’art contemporain. Cette formalisation des données qualitatives nous permet d’identifier les propriétés organisatrices et structurales des interactions qui peuvent être asymétriques, déstabilisées, redéfinies dans une dimension comparative et temporelle. Comme le souligne Pierre Mercklé :
« L’approche dominante en sociologie des réseaux sociaux, celle de l’analyse structurale, est de fait marquée par une forte tendance à la simulation expérimentale, à l’élaboration de modèles abstraits de systèmes relationnels, et à la mise en œuvre d’une logique que l’on pourrait qualifier d’hypothético-déductive. »18
Ce type d’approche a pour effet de produire une analyse qui reste révélatrice, au delà des connexions entre les individus, de la complexité de formation des liens entre les unités structurales d’un réseau, en offrant de la substance à la compréhension du réseau, non pas en tant que cause des actions individuelles mais en tant que conséquences. En effet, en situant notre enquête sur la scène de l’art contemporain en Tunisie, nous interrogeons à la fois l’insertion de ces termes dans le circuit de commercialisation de l’art, mais aussi les mécanismes qui positionnent les individus comme des agents qui contribuent à la production d’un réseau d’art contemporain en Tunisie.
Réseau relationnel et système de commercialisation
La définition de l’art contemporain englobe une large diversité de pratiques artistiques, qui sont liées en Tunisie, à la circulation des œuvres sur la scène nationale et internationale. Qu’ils soient conservateurs, galeristes ou artistes, les acteurs qui se rangent dans cette catégorie artistique, doivent composer avec plusieurs paramètres en relation avec des critères esthétiques, les pratiques institutionnalisées, les parcours professionnels, et un contexte culturel constitué de tradition et de modernité. Ce sont leurs motivations, leurs croyances et leurs représentations de l’art contemporain, engagées à des niveaux différents, qui impulsent l’existence d’un réseau d’art, qui n’existe que par l’interaction de ces mouvements et des individus. Engagés dans un processus de reconnaissance, les acteurs de la sphère artistique contemporaine doivent composer avec un système marchand qui s’articule autour de cinq galeries reconnues dans la Banlieue Nord de Tunis : la galerie Ammar Farhat, la galerie Kanvas, la galerie El Marsa, la galerie Millefeuilles et enfin la galerie Le Violon Bleu. Le système marchand se compose aussi de l’Etat, qui apparaît comme le principal acheteur et qui est représenté par une commission d’achat19, de deux collectionneurs et de quelques mécènes20, avec éventuellement des mécènes ponctuels (tels que de grandes banques internationales ou des constructeurs automobiles). D’autres part, ce système regroupe, seulement, deux « institutions » publiques ; deux anciens palais investis comme lieux d’art et d’expositions, qui sont sous la tutelle de la municipalité de Tunis et de celle de La Marsa : le Palais Kheireddine à Tunis (nommé officieusement le Musée de la ville de Tunis), le Palais Abdelliya ( qui se trouve dans la Banlieue Nord de Tunis) dans lequel s’organise le printemps des arts de La Marsa 21, ainsi qu’une institution privée représentative de l’institut français de coopération ; ce dernier est un élément déterminant dans l’initiation et la conduite de divers grands projets culturels en Tunisie, en allouant des budgets permettant le financement de projet d’exposition d’art.
Bien que le Palais Kheireddine est familièrement appelé le Musée de la ville de Tunis, il n’est pas pour autant un musée officiel et ne fonctionne pas en tant que tel, selon le code de déontologie de l’ICOM 22. Il n’existe pas de musée d’art moderne ou contemporain en Tunisie, ce qui oblige les artistes à s’insérer dans un contexte hautement centralisé et fortement intégré autour d’un nombre limité de lieux de reconnaissance (journaux, galeries d’art, institutions culturelles, collections privées) et de relations monovalentes qui se recoupent les unes aux autres. Si le système de commercialisation corrélé par des galeries, des marchands et des critiques, est ce qui oriente le marché de l’art, en engageant chaque acteur dans une production, une diffusion, et une spéculation des œuvres, il ne régule pas pour autant les modes d’existences des œuvres, et ne contribue pas à instaurer un circuit économique mettant en coopération les différents acteurs du marché de l’art à travers des intermédiaires spécialisés.
Nous pouvons en ce sens parler de plusieurs acteurs qui produisent un réseau d’art contemporain tunisien, mais qui ne mutualisent pas leurs intérêts en affirmant ce réseau à travers une coopération systématisée. Pourtant, cette absence d’organisation n’empêche pas l’art contemporain en Tunisie de s’affirmer de plus en plus, et de faire émerger des artistes sur la scène nationale et internationale. Comment s’établissent les « chaînes relationnelles » permettant de faire exister cette dynamique artistique ? Il s’agit de comprendre, ce que Michel Grossetti et Jean-François Barthe décrivent comme un lien de correspondance entre les acteurs qui composent le réseau, un lien qui s’oppose au collectif dans lequel l’entremise des ressources est discursive: « La circulation ou le partage des ressources peuvent donc s’effectuer sur la base des médiations dans le collectif, mais se trouvent contraintes de passer par les chaînes de relations dans le réseau. » 23
Partant de ce que le système marchand tunisien est composé d’un petit marché et de très peu d’institutions, que le schéma structurel et logique du système de commercialisation est occulté par la déstructuration du processus d’intégration des œuvres d’art, et de l’absence de réglementation étatique du marché de l’art contemporain, l’analyse d’entretiens réalisés avec les acteurs qui s’insèrent dans un processus de promotion de l’art contemporain tunisien nous permettra d’élucider comment les structures sociales qui contribuent à la distribution de l’art contemporain, contraignent ces acteurs dans leurs décisions et à adopter certains comportements, tout en faisant émerger des interactions productrices d’un réseau d’art en Tunisie.
Une quête de visibilité
Afin de mieux saisir les dynamiques interactionnelles qui sont productrices d’un réseau d’art contemporain en Tunisie, nous avons organisé des entretiens individuels avec Héla AMMAR artiste visuelle, Amel BEN ATTIA, artiste plasticienne et vidéaste, Mohamed BEN SOLTANE, artiste visuel, Meriem BOUDERBELA, artiste plasticienne et photographe, Mouna JMAL, artiste visuelle, Aicha GORGI, directrice de la galerie Ammar Farhat, et Rachida TRIKI, commissaire d’exposition. L’analyse que nous proposons se focalise sur les relations sociales en construction dans les activités quotidiennes professionnelles des personnes interrogées, et sur ce qui participe à l’inclusion de ces personnes en tant qu’acteur- producteurs d’un réseau d’art contemporain en Tunisie.
L’approche compréhensive nous permet ainsi de saisir l’un des leitmotiv des acteurs du monde de l’art contemporain, et qui permet de mieux comprendre les mécanismes d’interaction qui engagent ces acteurs vers la production d’un réseau artistique. Il s’agit de la quête de visibilité. En effet, le premier objectif d’un artiste, au-delà de sa création, est d’exposer et de se faire connaître; celui d’un galeriste est de faire vivre sa galerie en accompagnant et en exposant des artistes pour vendre leurs œuvres; et celui du commissaire d’exposition est de faire découvrir des nouveaux artistes et de créer de la valeur esthétique et économique. Ces trois fonctions, si elles participent à la chaine de production de l‘art contemporain, ne s’agencent pas pour autant de manière cohérente dans les pratiques réelles et sont soumises à des rapports d’influences liées à la visibilité. Les artistes sont ainsi confrontés à une irrégularité continue du fonctionnement du réseau artistique qui est perçue comme un système instable. En effet, même s’ils sont tous exposés dans une galerie, ils sont continuellement à la recherche d’élaboration, de proposition, et de montage de projet, tout en étant dans l’attente de propositions de renforcement des projets individuels ou collectifs, de mise en exposition des œuvres. A la lumière de nos entretiens, il apparait que l’engagement qui lie un artiste à une galerie n’est pas contractuel mais qu’il s’agit d’un engagement moral. Cela signifie que si l’artiste ne souhaite plus exposer ses œuvres dans une galerie, il est libre de quitter celle-ci. Les projets constituent une manière pour l’artiste d’élargir son champ d’exposition, d’enrichir son réseau de contact, de confronter son travail à la diversité des regards, de s’exposer à la critique et à la médiation, dans un désir de reconnaissance locale, nationale, et internationale.
Les termes « local » et « national » renvoient sensiblement à la même chose puisque la scène artistique en Tunisie se concentre dans la capitale de Tunis et ses banlieues. En effet, dans la banlieue Nord de Tunis se situent les 5 galeries et le Palais Alabdelliya mentionnés auparavant ; dans la banlieue Sud se trouve le Centre des Arts Vivants de la ville de Radès ; et dans le centre de Tunis, il y a le Palais Kheireddine déjà évoqué, le Centre National d’Art Vivant (ancienne Maison des Arts du Belvédère) et d’autres lieux qui accueillent des expositions temporaires d’art contemporain. Quant à la reconnaissance « internationale », elle renvoie à ce que le statut d’acteur international signifie que l’artiste doit parvenir à maintenir la chaîne relationnelle qui lui permet d’exister au sein d’un réseau d’art contemporain. En effet, chaque acteur produit ses propres conditions d’accessibilité à la visibilité internationale. Celle-ci garantie une affirmation de l’artiste dans une identification liée au champ de l’art contemporain, et une reconnaissance de la part des pays prescripteurs de l’art contemporain (entendue que l’art contemporain prend son origine en Occident). Ce qui sous-entend que l’évaluation des œuvres s’établit à partir des normes et des critères de jugements émanant des acteurs occidentaux du monde de l’art contemporain.
L’influence occidentale
La disposition des normes et des critères de jugement a permis à la scène artistique contemporaine une continuité souvent décrite comme « eurocentrique » : c’est ce dont parle Rachida Triki, au cours de notre entretien, lorsqu’elle analyse les relations de pouvoir entre les individus dans les pratiques d‘art contemporain qui « s’inscrivent dans une résistance par de nouvelles formes d’individuation. Il ne s’agit plus d’individus mais de subjectivités sociales désirantes et créatives, qui sont opérantes selon des agencements déterminés dans les plis du champ de relation de pouvoir»24 . D’où l’émergence de la question de l’individu dans les représentations des artistes « arabes » et notamment tunisiens. Ce questionnement offre l’occasion d’une réflexion active à travers les écrits de la commissaire d’exposition Michket Krifa 25 dans le catalogue d’exposition Femmes d’images 26. L’auteur fait émerger la prédominance de la question de l’individu dans les représentations des artistes « des sociétés arabes » où elle explique que ces artistes, par soucis de visibilité, ont commencé par aborder leurs expériences artistiques au regard de leur statut dans la société. Très vite alors, ils ont imposé dans le milieu artistique occidental une approche esthétique usant d’un langage et d’un regard critique sur leurs pays ou leurs cultures d’origine. Un des exemples les plus intéressants qui pourrait consolider cette réflexion a été relevé lors de notre enquête ; il s’agit du travail de Meriem Bouderbéla qui est l’une des artistes tunisiennes la plus visible sur la scène internationale. Son travail se distingue par une confrontation de sujets aussi sensibles que critiques qui touchent la femme orientale et son identité dans la société arabe. Elle introduit le corps comme objet de transgression mais fait aussi référence à des questionnements se rapportant à l’imaginaire colonial et à ceux de l’orientalisme. Elle a été pionnière dans la présentation de ces différentes thématiques « contemporaines » à travers un grand projet supporté par l’Institut français de coopération intitulé : L’image révélée. Orientalisme. Art contemporain, datant de 2006.
Ce travail a été, certes, l’un des plus importants à introduire « la nouvelle » pratique artistique contemporaine en Tunisie, mais surtout, il a abordé des thèmes rattachés à ce que le monde Occidental relie à l’art contemporain dit « arabe », à savoir: la condition de la femme, les questions identitaires, la représentation du corps dans les sociétés musulmanes etc. C’est une tendance qui s’explique par l’intervention des acteurs qui produisent les expositions, dont le choix des thèmes a une influence sur la dynamique du réseau. En effet, selon Rachida Triki, commissaire d’exposition: « Les expositions qui sont faites dans les espaces du ministère de la culture comme la Maison des Arts, ce sont des initiatives qui viennent du ministère. Normalement, les équipes qui s’occupent des arts plastiques, lorsqu’ils le font, ils le font souvent en partenariat avec l’Institut français de Coopération».
En ce sens, les acteurs qui produisent des expositions orientent les thèmes des expositions, mais aussi, de manière tacite, la qualité des œuvres et l’investissement des artistes, ce qui constitue une chaîne relationnelle dans la production du réseau, puisque l’artiste produira une œuvre en fonction de l’espace où il exposera. Mohamed Ben Soltane déclare à ce propos dans notre entretien : « Mon travail dépend des lieux ou il s’expose. Il y a cette dépendance mais je ne sais pas si elle est bonne ou mauvaise parce qu’en même temps, on peut penser, que peut être que ton travail n’est pas assez consistant, et que tu n’a pas abouti ta réflexion à fond. Et d’un autre coté, on a un public pour lequel ton œuvre va s’adresser et je prends en compte ce public. (…) Donc ces conditions nous obligent un peu à les prendre en compte ».
La production des œuvres dépend des lieux où ces œuvres sont exposés. En se sens, si ces œuvres ont pour vocation de s’exporter en dehors de l’espace tunisien, les thèmes traités dans l’œuvre feront appel aux critères occidentaux, et respecteront la politique culturelle de l’institution qui expose. Cette nouvelle recherche esthétique participe au cloisonnement des œuvres produits par les artistes Tunisiens. Si on revient à l’exposition L’image révélée. Orientalisme. Art contemporain, nous pouvons ainsi observer que les 5 artistes Tunisiens qui ont exposé, ont répondu à cette « attente occidentale » qui reflète un certain intérêt pour les images empreintes de l’imaginaire issu du passé colonial. Cela signifierait que la majorité des représentations artistiques sont influencées par la politique culturelle des institutions où les œuvres sont exposées, ce qui induit un type de production particulière. Rachida Triki aborde ces questions en parlant d‘une « posture néocoloniale » qu’elle rencontre dans son activité de commissaire d’exposition : « Maintenant, je pense qu’il y a une posture néocoloniale de la commande, il y a une « curratocratie » qui se crée au nord. Il y a des profils qui élisent des créneaux arabes ou autres. Ceux-ci façonnent des gens et des discours. Toute cette démarche est dangereuse ! C’est une sorte de pépinière. »
Cela signifie que les acteurs du marché de l’art contemporain en Occident créent des critères et des normes rattachés à un art contemporain « arabe », dont le label reste problématique, puisque les artistes arabes ne sont complices qu’à des fins d’exportation et de visibilité. Ces derniers éléments constituent des chaînes relationnelles qui permettent de saisir les dynamiques structurelles qui participent à l’émergence d’un réseau d’art contemporain.
Les impacts sur le système de distribution
L’art contemporain tel qu’il est produit d’un point de vue local n’est pas le même que celui qui est exporté en dehors de la Tunisie, car pour avoir des financement venant d’Europe, par exemple, participer à des projets artistiques extérieurs, et être finalement exposés, les artistes réadaptent leur pratiques en fonction des commandes ou des politiques culturelles pratiquées par les acteurs et les institutions occidentaux. Et c’est en ce sens que Rachida Triki explique: « Le phénomène de marché international fait beaucoup de mal à la création locale, car les artistes qui continuent à travailler sans pour autant être inscrits dans un marché ou dans une foire internationale, se trouvent enfin à la marge. »
La production artistique contemporaine locale est pourtant bien présente sur le petit marché d’art en Tunisie. Le fait de parler d’artistes contemporains locaux, qui continuent à créer des œuvres d’art dont la qualité reste discutable pour les commissaires d’exposition et dont le degré de conceptualisation est jugé trop faible pour être exposé à l’international, n’empêche pas leurs œuvres d’exister et d’être visibles à une échelle locale. D’ailleurs, au cours de notre entretien, la directrice de la galerie Ammar Farhat: Aicha Gorgi évoque cette production locale à laquelle elle confère un bel avenir productif et innovant : « Le marché de l’art se porte bien, il est là, il est bien réel, il y a des galeries qui s’ouvrent, des collectionneurs qui s’intéressent aussi, c’est un bon signe. Il y a de plus en plus un mouvement qui devient plus intéressant, tout cela va dans le bon sens. Il y a des choses surprenantes qui se passent avec des petits moyens, c’est un petit pays. Je suis là pour encourager, même pour des petites choses, ce n’est pas grave. L’essentiel c’est que les choses avancent. »
Se référant aux propos de Aïcha Gorgi, il serait donc important de croire en la capacité des artistes locaux à souscrire une forme de résistance à l’art contemporain exporté selon des normes esthétiques et plastiques occidentales, et à développer davantage une création contemporaine locale qui se base sur la norme locale dans le but de produire un territoire favorable pour un marché d’art tunisien autonome.
Si le système de distribution est institué par les galeries, les marchands et les critiques, cela ne permet pas aux artistes de consolider ou d’améliorer leurs positions sur le plan national pour obtenir par la suite une place considérable à l’échelle internationale. Dans nos enquêtes, les artistes qui se sont exprimés, sont tous d’accord pour souligner l’absence de l’Etat qui ne prend pas de part active dans la régulation de l’art contemporain. En effet, il semble que sous le régime de la dictature, l’Etat redoutait depuis longtemps la montée de l’influence des élites intellectuelles sur la société, notamment sa capacité à changer les mentalités. Selon Mohamed Ben Soltane, qui fait partie des artistes interrogés:
« L’Etat avait peur que des gens libres d’esprit puissent avoir les moyens de dire ce qu’ils veulent et d’avoir un public. Je pense que l’exemple le plus frappant est celui de l’expression théâtrale en Tunisie 27 (…) L’Etat ne souhaite pas qu’un artiste soit connu et qu’il ait une grande audience. »
Cela constitue une chaine de relation à travers la médiation directe qui s’effectue entre les artistes et les diverses institutions, et l’absence de spéculation des œuvres qui ne transitent pas par un même organisme national ou étatique. C’est en sens que le réseau se reconfigure, puisqu’il se structure au gré des initiatives de chacun des acteurs impliqués dans le monde de l’art contemporain. Ce système participe à entraver la visibilité de l’artiste tunisien, en freinant l’expression de la modernité tunisienne, et constitue des contraintes à travers le poids du contexte politique, mais aussi la subsistance de la censure, comme le souligne Amel Ben Attia dans nos entretiens. Une censure qui est un obstacle majeur à la création artistique et que les tabous politico-sociaux considèrent comme des stimuli à l’imagination mais surtout comme un frein à la production artistique, qui ne peut s’épanouir, ni se libérer 28. Nombreuses sont les personnes que nous avons interrogées, qui souhaitent mettre en lumière le rôle social décisif que peut engager l’activité artistique en tant qu’élément fondamental dans la conscience d’une société.
Des structures organisationnelles tributaires de budget
Il apparaît clairement dans nos entretiens, que s’engager à promouvoir la création contemporaine comme facteur de transmission de savoir, de culture, d’éducation et de constitution d’une identité partagée, nécessite une volonté politique, l’implication de l’Etat, des organisations nationales, et en particulier des ministères, des institutions telles que les galeries, afin d’en faire un outil déterminant dans la transmission et le rayonnement de la culture de l’art. Pour cela, les structures organisationnelles ont pour mission de développer les échanges culturels ; ce qui constitue le rôle des institutions et des musées, et aussi de renforcer ces échanges avec des aides financières visant à la concrétisation des projets artistiques, qu’ils soient personnels ou collectifs.
Cependant, la volonté politique en Tunisie ne semble pas soutenir les artistes dans une logique de visibilité. Certains artistes, comme Héla Ammar, dénonce une absence de l’action politique dans le domaine des arts plastiques, et davantage dans celui de l’art contemporain. Cela se traduit par une faible allocation budgétaire attribuée au domaine culturel, en raison des contingences économiques et de la primauté des secteurs sociaux ou militaires. L’artiste Mouna Jmal, ancien membre de la commission d’achat 29, souligne aussi d’autres facteurs de distribution budgétaire de la part de l’Etat. En effet, même si l’Etat allouait un budget important pour le secteur des arts plastiques, celui-ci serait mal déployé : « Le problème en Tunisie c’est qu’il y a un budget consacré aux arts plastiques (presque 1 milliard de dinars) mais il est mal réparti. J’ai travaillé pendant 8 mois à la commission d’achat et je parle en connaissance de cause. C’était une expérience fatigante car les membres de cette commission (à part les 4 artistes qui se renouvellent chaque 8 mois) sont rarement motivées par des productions artistiques contemporaines, et ce, en raison de leur méconnaissance du secteur. En conséquence, ils dévalorisent ces œuvres au profit d’autres productions choisis d’une façon aléatoire sans même en définir les critères. C’est vraiment frustrant ! »
Il n’existe donc pas de structure de financement formel en faveur des arts plastiques, ce qui constitue un paramètre dans la construction relationnelle du réseau. Le budget de l’Etat Tunisien est en effet incapable de soutenir les différentes actions culturelles, pourtant cela 28 C’est une observation qui est aussi constatée dans l’étude de cas réalisée sur l’Iran, au cours de la conférence intitulée « L’Iran dévoilé par ses artistes » dirigée par la conservatrice Catherine Millet au Centre Georges Pompidou (2010). Cette dernière a relevé les problèmes et les tabous corrélés à l’activité artistique dans l’un des pays du Moyen Orient où le pouvoir politique est extrêmement vigilant. 29 En 2010. n’empêche pas l’émergence d’un réseau, qui, bien que déstructuré, possède une « dynamique collective et temporelle» qui se réalise de manière univoque : « La dynamique temporelle du réseau social s’apparente alors, (…) au mouvement d’un banc de poissons, c’est-à-dire une dynamique collective où chaque paire s’ajuste par essais ou pas erreurs pour conserver une dynamique d’ensemble. » 30
La gestion d’un budget étatique permettrait de dynamiser et de structurer le secteur des arts plastiques et surtout de l’art contemporain, comme le constate la commissaire d’exposition Rachida Triki : « Pour moi, la faisabilité des projets reste budgétaire. Je peux surmonter tous les problèmes mais celui du budget reste essentiel. C’est une opération qui coûte, il faut alors des financements. » Il apparait clairement que ce sont les capacités relationnelles des acteurs du monde de l’art qui contribuent à l’existence d’un réseau globale de l’art contemporain, qui fonctionne de manière déstructuré et instable, et dont les chaînes relationnelles s’appuient sur des échanges communs de montage de projet, d’accompagnement et de diffusion des œuvres. Il suffirait d’une intervention étatique pour stabiliser un mode de fonctionnement dans le réseau de l’art contemporain en mettant en place des « ressources organisationnelles » 31.
Capacités relationnelles et infrastructures du réseau
Etre sur le marché de l’art en Tunisie ne semble pas une tache facile pour l’artiste, puisqu’il faut être compétitif pour se faire une place. Il est urgent alors que le secteur artistique et plus particulièrement celui de l’art contemporain fasse entendre sa voix. La visibilité n’a de sens que s’il y a une création productive. Or les artistes tunisiens, comme l’explique et le revendique Meriem Bouderbéla, sont en attente de projets, de lieux d’expositions, d’actions d’encouragements de la part des politiques culturelles et surtout du ministère, mais aussi d’un travail d’accompagnement, de financements de l’Etat, de médiatisation des projets tout autant que d’autorisation de circulation des œuvres à l’étranger. Tout cela est nécessaire pour le développement du système de commercialisation et de celui du réseau relationnel dans lequel il évolue. Toute une structure de projet doit être définie, comme l’explique Rachida Triki : « Il faut faire une sorte de budget de devis avec chaque artiste. Il faut investir les lieux, faire aussi le choix du scénographe, tout intégrer ; le catalogue, la recherche et les sponsors. »
Il faut donc avoir les capacités logistiques et organisationnelles pour planifier un projet ou une exposition et pour choisir les lieux où on veut les présenter ainsi que les communiquer.
Néanmoins, la question des lieux d’expositions demeure problématique car il se trouve que la Tunisie n’a pas de musée d’art moderne ni contemporain. Une grande défaillance dans le système institutionnel qui laisse les artistes perplexes, inquiets mais surtout impatients d’avoir un lieu permanent d’expositions, tout autant qu’un lieu de reconnaissance de toutes les pratiques artistiques locales. Il y a aussi, d’un autre coté, une grande nécessité de développer la curiosité et le goût pour la création artistique contemporaine : une tâche tout aussi difficile en raison du manque d’infrastructures adéquates pour la réception des productions contemporaines. Ceci contraint les artistes à mettre à l’écart certaines initiatives novatrices inadaptées aux espaces locaux d’expositions. En conséquence, ce déficit en lieux d’expositions réduit les chances d’éduquer les profanes à une nouvelle forme d’art contemporain, mais aussi de laisser les artistes tunisiens chercher d’autres lieux, d’autres opportunités pour rendre visible leurs œuvres. C’est ce que Héla Ammar explique, lorsqu’elle dit : « C’est une question d’enrichissement, parce que il y a une vraie confrontation à l’autre, non seulement au niveau artistique mais aussi par rapport au regard de l’autre, au regard d’un public plus large et forcément plus averti. Car en Tunisie le public qui s’intéresse à l’art contemporain reste restreint. »
La porte vers l’étranger devient une nécessité pour l’artiste tunisien, car cela rend légitime son travail artistique grâce à une reconnaissance transnationale et cela élargit son champ d’exposition des œuvres. Cet accès reste toutefois un choix difficile car le positionnement sur le champ expérimental de l’art contemporain nécessite une certaine implication de l’artiste et une vocation professionnelle. Mohamed Ben Soltane argumente ce propos : « Pour que l’artiste tunisien assure une visibilité internationale, il faut assurer un travail sérieux et professionnel. Par ailleurs, ces dernières années, cette implication dans le travail est très difficile en Tunisie, surtout par rapport au modèle d’œuvres qui existe en Occident. En fait, nous ne pouvons pas réaliser les mêmes productions parce qu’on n’arrive pas à avoir les structures pour faire les mêmes choses, et même si on veut suivre un certain chemin, on n’a pas les structures nécessaires pour le faire. »
Nos entretiens montrent collectivement la nécessité de développer un comité chargé de la critique portant sur la création artistique contemporaine, et qui permettrait de se « réapproprier » le discours de l’art contemporain issu de cette localité tunisienne. En l’absence de celle-ci, la situation reste « bloquée ». En effet, il est plus facile de plaider en faveur d’une argumentation qui part de ce que les acteurs de l’art ̶ les artistes en particulier ̶ sont, en Tunisie, contraints d’affronter un monde de l’art Occidental et international difficile à percer, qui possède ses propres codes et des droits d’entrée. Cependant, hormis la notation que ces obstacles affectent la perception et la réception en Occident de la production artistique locale, il semble capital de s’engager à ériger une place considérable à ce secteur, qui permettrait le développement de l’éducation artistique et surtout la construction d’une histoire de l’art moderne et contemporain propre à la Tunisie. Il s’agit donc de faciliter l’accès du public aux espaces d’art, même s’ils sont très peu, et ce, non seulement en montrant les œuvres mais aussi en mettant en place des outils de médiation.
L’éducation à l’art contemporain
En effet, pour qu’il y ait une vraie visibilité de l’artiste et de ses œuvres, il faudrait bien réunir les endroits de visibilité ainsi qu’un réseau fort de diffusion, de communication et de médiatisation. Cela renforcerait, selon l’analyse de nos entretiens, l’intérêt porté au secteur culturel et particulièrement à celui de l’art contemporain. Car l’activité artistique a ce rôle social décisif à engager en tant qu’élément fondamental dans la conscience d’une société. Se désintéresser alors de ce rôle impliquerait une réelle frustration, selon le témoignage de Mohamed Ben Soltane : « Il y a un grand rôle que les artistes et les hommes de la culture doivent travailler pour comprendre les défaillances du système. Mais aussi impliquer les politiques et les média dans tout ça. On n’est pas assez conscients de l’importance de donner une voix à nos propres artistes et de les soutenir. »
S’engager à ériger une place considérable pour ce secteur, permettrait le développement de l’éducation artistique et surtout la construction d’une histoire de l’art moderne et contemporain propre à la Tunisie qui puiserait ses sources à partir de centres locaux de formation, de production et d’exposition. La formation du public et l’éducation de son regard au goût de l’art sont des objectifs sur lesquelles insiste la directrice de la galerie Ammar Farhat ; Aicha Gorgi. De ce fait, le décloisonnement des barrières entre l’art et la vie sociale donnerait à la création une position stratégique pour développer les goûts, pour éduquer les profanes et pour restructurer l’imaginaire collectif. Car ce qui manque réellement en Tunisie, c’est cette curiosité culturelle et une volonté d’accéder à une nouvelle découverte dans l’art.
Une réflexion soutenue par l’artiste Mouna Jmal : « On n’a pas la culture de la culture en Tunisie et encore moins celle des arts Plastiques ni particulièrement celle de l’art contemporain. »
Certains acteurs interviewés expliquent que la raison en est la dominance de la peinture moderne sur le marché et surtout ce pouvoir qu’ont les artistes modernes à imprégner un imaginaire assez fort dans la culture tunisienne, par rapport à un art contemporain considéré encore comme un phénomène nouveau et non accessible à tout les publics. Héla Ammar nous explique ainsi que l’art contemporain n’attire pas les publics : « Le regard du public peut être ému ou amusé. En confrontant une œuvre d’art contemporain, il est plutôt amusé. En général, ce public ne prend pas au sérieux le travail de l’artiste. Son attention reste limitée et c’est vraiment frustrant. Car on n’a pas cette culture de suivre un artiste à travers sa carrière et d’acheter ses œuvres. Cela fonctionne encore au coup de cœur, au coup par coup et c’est très ponctuel, il n’y a pas de lois. »
Il semble alors que les opérateurs culturels doivent parfaire un plan d’intégration culturelle au public pour que celui-ci s’adapte et s’habitue à voir de nouvelles représentations contemporaines, à les comprendre, à suivre les démarches d’un artiste et peut-être même à collectionner ses œuvres. Un travail ardu qui demande de la continuité comme le conseille Rachida Triki. Elle explique ainsi que c’est le rôle de l’artiste de s’impliquer et de s’engager dans son art afin qu’il puisse désormais définir les diverses tendances de l’art contemporain, en sensibilisant son public, en l’éduquant à voir de nouvelles productions contemporaines, et en se confrontant aux productions qui circulent à l’échelle internationale.
Conclusion
Si l’éducation à l’art contemporain constitue une propriété structurale du réseau de l’art contemporain en participant à sa reconnaissance, celui-ci existe à travers les chaînes de relation qui s’agencent avec l’influence des différentes composantes du réseau, dont les éléments récurrents apparaissent à travers la recherche de visibilité, l’exposition, la rentabilité, l’exportation des œuvres et la validation d’un art contemporain tunisien. Cette mise à jour des régularités permet de comprendre la dimension relationnelle des agents dans leurs contributions à l’émergence d’un réseau global d’art contemporain, dont les échanges sont multilatéraux et multiplexes, mais dont les interactions révèlent les articulations formelles et informelles, systématiques et aléatoires, orientées par les contraintes et les opportunités de la scène artistique nationale et internationale. Les procédures relationnelles s’opèrent sur plusieurs niveaux : esthétique, artistique, commerciale et culturel. Elles sont le fruit des négociations contextuelles qui se pratiquent et qui aiguillent le capital relationnel des agents dans le réseau, dont les actions et les processus dynamiques font émerger un réseau d’art contemporain en Tunisie. S’il apparaît clairement, au travers de nos enquêtes, que les structures relationnelles, au niveau individuel, se développent de manière endogène, la configuration relationnelle, au niveau intermédiaire, postule inductivement pour une régulation étatique du réseau de l’art contemporain.
Bibliographie
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GROSSETTI, M., BARTHE, J-F. 2008. Dynamique des réseaux interpersonnels et des organisations dans les créations d’entreprises. In Ophrys, Revue française de sociologie, vol.49.
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TRIKI, R. 2010. La relation Théorie/pratique et les paradoxes du contemporain dans les arts. In Colloque ATEP (Association Tunisienne Esthétique et Philosophie). Tunis, du 29 au 30 janvier 2010.
11 BECKER, H. S. 1988 (1982). Les mondes de l’art. Paris, Flammarion, p.27 : « Dans le système de commercialisation, les artistes réalisent des œuvres qui sont vendues ou diffusées publiquement. La plupart du temps, des intermédiaires professionnels dirigent les organismes qui vendent des œuvres ou des places de spectacles à tout acheteur solvable ».
12 MERCKLE, P.2001. Sociologie des réseaux sociaux. Paris, La Découverte, Collection « Repères », p.8.
13 Ibid, p.14.
14 Ibid, p.16.
15 Ibid.
16 LEMERCIER, C. 2005/2. Analyse de réseaux et histoire. In La Revue d’histoire moderne et contemporaine,
n°52-2, p.92.
17 Voir chapitre intitulé: « En quête de visibilité ».
18 MERCKLE, P.2001. Sociologie des réseaux sociaux. Opus cité, p.107.
19 Voir Chapitre intitulé: « Des structures organisationnelles tributaires de budget »
20 A lire : BEN SOLTANE, M. 2010. Art en Tunisie : une visibilité en devenir. URL : http://www.tunisiartgalleries.com/histartareflexions/112-art-en-tunisie-vers-une-visibilite-en-devenir-mohamed- ben-soltane-.html (Consulté le 18 mai 2011)
21 Il s’agit de la plus grande manifestation d’arts plastiques en Tunisie. Voir URL : http://www.marsa- arts.com/index.php?option=com_content&task=view&id=114&Itemid=116 (Consulté le 6 juin 2011)
22 International Council of Museum.23 GROSSETTI, M., BARTHE, J-F. 2008. Dynamique des réseaux interpersonnels et des organisations dans les créations d’entreprises. In Ophrys, Revue française de sociologie, vol.49, p.588.
24 TRIKI, R. 2010. La relation Théorie/pratique et les paradoxes du contemporain dans les arts. In Colloque ATEP (Association Tunisienne Esthétique et Philosophie). Tunis, du 29 au 30 janvier 2010.
25 D’origine tunisienne, Michket krifa vit à Paris depuis 20 ans. Commissaire indépendante en arts visuels et consultante pour le cinéma, elle réalise et conçoit des expositions sur le thème de la représentation de la culture arabo-musulmane. Son travail est une réflexion sur le rôle de l’image comme élément essentiel dans la rencontre entre le monde arabo-musulman et l’occident. http://www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=8719
26 Krifa, M. (2007). « Exposition Femmes d’image. Au palais Kheireddine à Tunis
27 Un exemple d’un couple d’artistes très militants dans le domaine théatral connus par son militantisme contre le pouvoir et de revendiquer l’esprit libre / Fadhel Jaibi et Jalila Baccar.
28 C’est une observation qui est aussi constatée dans l’étude de cas réalisée sur l’Iran, au cours de la conférence intitulée « L’Iran dévoilé par ses artistes » dirigée par la conservatrice Catherine Millet au Centre Georges Pompidou (2010). Cette dernière a relevé les problèmes et les tabous corrélés à l’activité artistique dans l’un des pays du Moyen Orient où le pouvoir politique est extrêmement vigilent.29 En 2010.
30 BESSIN, M. 2009. Introduction générale l’enquête sur les bifurcations: une présentation. In GROSSETTI, M.
Bifurcations. Paris, La Découverte, p.14.
31 PENALVA ICHER, E. 2009. Le rôle des réseaux sociaux dans la création d’une activité financière. In
Management & Avenir, 2009/7 n° 27, p.117.