L’interculturalité, mondialisation de la culture et figures de l’altérité Identités culturelles et différences

Résumé

Avec la mondialisation, l’étude des influences cède la place à l’étude des échanges, des transferts, des résistances. La complexité est réintroduite et valorisée. L’hybride et l’hétérogène sont réinvestis d’une dimension positive »32. Engagées dans cette dynamique de mutation, de nombreuses œuvres s’inscrivent dans un processus de changement et rejouent les faits et gestes de l’aventure contemporaine. Les artistes, de leur côté, ont remis en cause dans leurs pratiques les champs référentiels et les critères de valeur établis33. La mondialisation serait alors cette nouvelle phase, cet espace ouvert à tous, qui traduit les multiples possibilités d’appartenances et d’identités. Ses logiques devraient normalement bouleverser la manière de penser et de concevoir les pratiques représentationnelles en termes de « nouvelle » histoire, ainsi que la manière de penser les identités et leurs nouvelles conceptions contemporaines. Néanmoins, il semblerait que la mondialisation soit aussi cette forme de pouvoir exercé aux limites de l’identité et de l’autorité. Le mode opératoire qu’elle emploie serait celui qui substituerait d’anciens procédés de pouvoir par d’autres nouveaux, qui renforcerait la construction de l’identité à travers et dans son « Autre », et qui développerait un nouveau système dynamique de représentations des différences. Cette vision déplace l’«histoire » de la modernisation des pays « périphériques » et son alignement sur la modernité européenne vers l’Histoire de l’Occident, l’Empire, vu dans toutes ses formes de domination et dans ses traditions du marxisme, sous couvert de l’universalisme. Ce phénomène a repositionné et déplacé la « différence » de l’autre (dans notre cas d’étude, l’artiste « périphérique ») sans le laisser triompher, dans le but d’interrompre tout retour à des histoires ethniquement fermées. Cette politique se dissimule derrière l’engouement suscité par la mondialisation pour l’hybridité, l’interculturalité et l’altérité.

Dans son ouvrage Identités et cultures 2. Politiques des différences, Stuart Hall a mené une réflexion sur cet aspect double de la mondialisation. Selon lui, il y a deux formes différentes de mondialisation, laquelle serait elle-même un processus fondamentalement contradictoire.

En effet, d’un côté, il y a « les formes dominantes de l’homogénéisation culturelle qui, en raison de leur place prépondérante sur le marché culturel ainsi que dans la domination de “flux” culturels, technologiques ou de capitaux, donnent les moyens à la culture occidentale, et plus précisément à la culture américaine, de submerger les nouveaux venus en imposant une identité culturelle homogène (sameness) »34. En ce sens, les cultures et scènes artistiques émergentes se cantonnent à des modèles unitaires, homogènes et fermés d’« appartenance culturelle ».

Cette forme de mondialisation est une forme fermée sur elle-même que Hall définit comme mondialisation « corporate » : une forme vieille qui revient au nationalisme et à l’identité culturelle nationale d’une manière extrêmement défensive, et qui se barricade pour mettre fin à son érosion35.

De l’autre côté, il y a « la forme du postmoderne mondial qui essaie de vivre avec la différence en même temps qu’elle la nie, l’incorpore, la maîtrise et la surmonte »36.

Nous sommes alors face à deux différentes formes qui continuent à lutter l’une contre l’autre. Elles accompagnent et contrôlent les nouvelles émergences artistiques (scènes et artistes) qui elles-mêmes cherchent à échapper à cet empire ou à cette emprise. Cette vieille dialectique n’est pas arrivée à sa fin, et la « nouvelle » mondialisation ne semble pas marquer l’achèvement, vu qu’elle travaille sur la culture postmoderne en tant que formation mondiale qui autorise l’existence de la différence des groupes et d’artistes subalternes émergents en même temps qu’elle leur nie le statut d’égal avec l’Autre, l’occidental. Ceci soutient l’hypothèse que le processus de la mondialisation aurait développé un nouveau mode de représentation pour définir et incorporer la différence dans l’espace multiculturel global, il s’agit donc d’un espace d’articulation de nouvelles formations politiques.

Comment se construit alors la différence dans le « nouveau » contexte de la mondialisation ?

« Les subalternes peuvent-ils [enfin] parler »37 et se faire connaître sous des identités plurielles et libérées ? Partant d’une approche culturaliste, nous discuterons et analyserons ces questions en construisant une étude et une enquête de terrain auprès des artistes contemporains visuels du sud de la Méditerranée.

Gabsi, W. (2016).

« L’interculturalité, mondialisation de la culture et figures de l’altérité. Identités culturelles. » In. L’interculturalité dans les arts. Enjeux et perspectives. Publications des actes du colloque (en cours). Sousse, Tunisie.

32 Grenier, C. (2013). « Préface ». In S. Orlando (éd.) dans Catherine Grenier (dir.). (2013). Art et mondialisation. Anthologie de textes de 1950 à nos jours. Paris. Centre Pompidou. p. 8.

33 Grenier, C. (dir.). (2013). Modernités plurielles 1905-1970. Paris. Editions du Centre Pompidou. p. 17.

34 Hall, S. (2013). Identités et cultures 2. Politiques des différences. Paris. Amsterdam p. 90.

35 Ibidem, p. 45.

36 Ibidem.37 Titre emprunté à Spivak Chakravorty, G. (2006). Les subalternes peuvent-elles parler ? Paris. Amsterdam. 110p.

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