Kaouther Bahri, Rouge comme la lumière et les modulations du son

Artiste de la figuration en pleine abstraction, c’est en dépossédant la nature de son pittoresque, les intérieurs de leur bruit et ses modèles de leurs corps, que Kaouther Bahri sublime le quotidien, arrête le temps et fixe la beauté des choses dans un rayon de lumière. Ses compositions racontent une histoire sans entièrement la dévoiler. On devine des êtres, des silhouettes, de simples tâches ou des lignes d’horizon flottantes évoquant un mirage.
Cette artiste aime travailler la matière, que ce soit l’huile ou l’acrylique. Ses compositions colorées, génèrent du mouvement, de la vibration, du rythme cadencé. Elles font sens sans se référer directement au concret. Par une idéalisation des formes et des traits, ces mêmes compositions permettent la représentation d’un sujet. Par cela le sujet n’est plus un simple objet, y compris le personnage/ la silhouette, mais une histoire, un discours pictural. La peinture est pour elle un langage au sens strict, qui ne se contente pas de chercher la trace du monde tel qu’il s’offre à nos yeux candides.
 Kaouther décrit son travail comme une recherche constante, qui l’amène à « s’exprimer » avec ce qu’elle ressent de plus proche : les couleurs. Celles-ci sont souveraines, elles lui permettent de faire abstraction de l’hégémonie de la forme. Entre vide et plein, ses formes abstraites, gomment les éléments suggestifs de la réalité,  enveloppent la scène pour la rendre irréelle. Kaouther transforme chaque pièce et chaque corps en un « rien » dont il extrait et projette l’essence dans une scène, d’une vie imaginaire. Ce « rien » est rempli d’une lumière, couleur, feutrée, capable de donner une texture à l’air qui remplit les pièces, à la brise qui berce les paysages …
« Je travaille beaucoup la couleur en la triturant, en la retournant,
en recherchant des mélanges, en appliquant des aplats, en créant des contrastes et des harmonies. Toutes les couleurs sont présentes dans mes toiles avec une préférence pour le bleu, ce bleu si présent chez nous dans le ciel, dans la mer. Bleu -blanc, bleu- rose, bleu-jaune, Outremer, ceruleum, turquoise, cobalt se conjuguent et s’opposent, se répondent et se diffèrent pour construire avec fougue des compositions ».
Lors de l’exposition « Rouge comme le ciel », Kaouther Bahri use des aplats de la couleur rouge contrastés de taches bleues pour décrire la vibration de la musique et les modulations du son. Elle peint toute une scène foisonnante, vibrante, solaire et musicale. Cette œuvre s’intitule « Contrastes ». C’est un exemple assez flagrant (et précoce) de ce que serait cette manière de détourner la lumière pour en faire en quelque sorte l’élément psychologique qui habite le spectateur. Tâches, formes, de couleurs rouge intenses vibrent avec un rayonnant clair-obscur, créant une ambiance taciturne et intériorisée semblent correspondre à l’état d’esprit du peintre qui n’était a priori pas un grand bavard et encore moins amateur, bien que grand voyageur, quelque part musicien, et ouvert à un monde autre que le sien.
Par bonheur son monde est captivant : il vous englobe au-delà des toiles, vous donne envie d’aller vous baigner dans les rayons de lumière qui sculptent le sol et les murs jusqu’à l’horizon.

Wafa Gabsi

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