L’oeuvre de Chawki Lahmar entre allures fantomatiques et compositions atypiques

Chawki LAHMAR est un architecte et artiste plasticien tunisien. Il utilise conjointement diverses techniques essentiellement l’aquarelle avec un assemblage de plusieurs composants à l’instar des signes graphiques, faune et flore, et structures architecturales. Des éléments avec lesquels un espace archi-plastique se manifeste où se mêlent l’aspect architectural et pictural.

Cela donne naissance à une œuvre qui frappe la vue et l’imagination par son caractère émotionnel tout en alternant entre abstraction et figuration. « Je suis une démarche qui s’ancre davantage dans l’imaginaire tout en opérant des structures très subtiles où je tisse des liens entre le graphique et la technique d’aquarelle » affirme l’artiste. Il est entrain de créer son propre espace, voire sa propre ville utopique qui tire son inspiration de thèmes généralement liés aux rêves, souvenirs et des scènes de voyage intrinsèquement le côté indécelable et vulnérable de la vie quotidienne où il propose une mixité de vocabulaire visuel et conceptuel. « Je pense que la mission de l’artiste réside à repérer tout ce qui est devenu invisible voire insignifiant pour les autres » ajoute l’artiste.

Pour lui, l’art est conçu comme une remise en scène de la vie et plus précisément de l’invisible que nous côtoyons quotidiennement. Comment perçoit-il ce miroir de l’environnement quotidien ? Quelles images pour quelles émotions ? : « Dans ma démarche, je reviens vers des expériences et des vécus personnels où je traduis mes ressentiments, j’exprime une intériorité complexe car l’être humain est complexe de nature et non pas compliqué, je cherchais au fil de ces expériences un espace à moi qui répond au maximum à ce que je suis. Je suis toujours à la recherche de thèmes qui me séduisent psychologiquement » réplique Lahmar. Son œuvre est un réflecteur d’une profondeur et d’une expérience de vie qui est liée à l’existence ; une portée à rechercher et à goûter tout ce qui flatte les émotions. « C’est comme une auto-thérapie, je suis dans mon espace ; je suis devant un support qui me parle, qui me questionne, qui m’offre des possibilités de tout genre : sécurité, paix et harmonie intérieure » dit l’artiste. Chacune de ses œuvres témoigne le désir de traduire l’affectif en esthétique où il exprime tant de sensations, tendresses et sensibilités ; « dans mes œuvres je cherche à explorer la légèreté malgré le poids, la froideur malgré l’encombrement, l’ailleurs même ici et l’envol de ses propres ailes malgré les obstacles. C’est sur mon papier que j’exprime des émotions en redonnant vie à mon âme, et c’est à travers la ligne que la fréquence de mon corps et ses articulations déséquilibrées se dévoilent ».

Son œuvre constitue par elle-même un monde ; une œuvre spectaculaire avec ses allures fantomatiques, couleurs et compositions étranges : un monde de rêverie et de fantaisie. J’aime trouver un terrain entre poésie, rêve et imaginaire ; un imaginaire solide mais aussi vulnérable, pour moi les dessins sont des possibilités qui traduisent l’imaginaire qui est la source de l’infini. L’art c’est diriger vers un autre chemin où il y a une infinité de sentiers qui sont encore inexplorés ».

Son approche est un débordement de tout genre ; « j’essaye de trouver une autre genèse des formes à ma manière; une autre possibilité d’imbrication, de juxtaposition et de manipulation plastique ». Cette manière constructive de son espace visuel prouve le cachet architectural dans ses créations. Ce caractère architectural demeure dans la structure et l’optique de l’œuvre. Si l’architecte dresse ses plans suivant un aspect cartésien, Lahmar crée son espace suite à une espèce d’harmonie visuelle imaginaire où les côtés norme et logique n’y sont plus. Il propose des controverses visuelles qui offrent à son œuvre un caractère déviant. L’artiste structure son dessin tout en manipulant les formes, l’ombre et la lumière. Ces éléments reflètent une maîtrise de la technique de l’aquarelle ; « l’aquarelle structure mon dessin, je joue le fond et la forme ; je fais des dépassements et puis je reviens fidèle à la technique classique ce qui donne un caractère atypique parce que tout simplement j’essaie d’être dans l’image de l’innovation, dans la singularité : j’essaie d’être le plus fidèle à moi-même ».

Dans une déclaration, l’artiste proclame « en ce moment, je suis dans une phase de digestion ; à la recherche de thèmes qui pourraient me séduire pour clôturer tout un chapitre et par la suite démarrer une autre expérience artistique ».

Arij Messaoudi

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