Mes paroles s’entassent, mes pensées s’entassent.
Je ne vois plus rien, je ne sens plus rien …que l’ombre d’une vie morose.
Ressentir n’est pas voir.
Si bien que l’entrelacement des deux formes est une véritable bataille.
Comment sentir et comment percevoir ce que nous vivons ?
Comment réinventer le quotidien, reparler de nos attachements ?
Comment écouter et converser nos corps si fragilisés par l’esquive de la mémoire ?
Comment se réapproprier la vie tout simplement ?
Ce sont des questions qui hantent et habitent mes pensées.
A travers la composition de récits, de poèmes, de dessins, de voix, de sons… jaillissent des conversations internes sur la fragilité de l’être humain, sur l’état de sa conscience, de son corps, sur sa relation à autrui, sur son désir abandonné, sur sa solitude, sur ses bras orphelins, sur ses mains fatiguées ; des pensées qui entrelacent des trajectoires indéfinies, des existences nouvelles, étranges, qui demandent à reprendre corps et à retrouver une place dans ce qu’il reste de la mémoire. Ces désirs si profonds expriment ainsi le sentiment d’une perte causée par des corps altérés, fragilisés où tout se trace et tout fuit, à différents rythmes, à différentes cadences, au sens du degré zéro de la création et de la vie.
J’ai besoin et nous avons besoin d’ouvrir ce corps, le plus grand possible, jusqu’au bout des doigts tendus à ses limites, de revivre le désir de se toucher et de s’étreindre, de rompre la distance et de se prendre à bras ouverts.
Nous avons besoin d’une conversation silencieuse qui remplit d’amour chaque bout, chaque membre, chaque point de notre corps. Cette conversation est celle de l’étreinte ; un discours ou un chant profond qui s’invente à mesure, un lieu où s’épanouit l’amour, le désir, l’affection, la compassion, la complicité, la sensualité…en passant par ce corps dépeuplé, bercé par des nuits froides.
Poétiques et terriblement attachantes : telles sont les quelques qualificatifs qui viennent à l’esprit pour parler des œuvres de l’étreinte, nouveau projet sentimental et recueil de récits internes, de sentiments, de voix muettes…
Déployées conjointement aux peintures, photographies, installations, vidéos, et performances d’artistes uniques, les œuvres dévoilent un art poétique feutré où le corps vient s’apaiser dans la fureur de l’amour, de l’attachement, de la souffrance, de la distance… et trouver une ligne nue de langage pour venir dire l’autre. Dans ce tournoiement de formes et de forces, la poésie ne cesse de s’interroger entre parler peau, parler peu et parler mû.
Autant de raisons pour le lecteur de partir à la rencontre du temps, de la mémoire et de la passion.
Ce poème d’œuvres assume ici d’être un espoir, même ténu, au milieu de la morosité du monde, par l’étreinte qu’il sait opérer.
Merci de nous donner cet espoir :
Ahmed Benjemy, Ahmed Zelfani, Bechir Boussandel, Camille Pradon, Fayçal Mejri, Ferid Sanaa, Hend Megdiche, Kais Ben Farhat, Khadija Djait, Mohamed Amine Inoubli, Othmen Taleb, Safa Attyaoui, Sonia Ben Slimen, Soufia Ben Said, Skander Khlif, Nada Chahed, Oussama Ben Sassi, Zayneb Henchiri, Zied ben Romdhane.
Wafa Gabsi